La mort est une expérience dont nous ne connaissons rien puisque c’est un lieu d’où nous ne revenons pas pour en parler. On peut parler du mourir mais pas de la mort, c’est le fantasme qui en parle. La mort est inscrite biologiquement dans le processus de vie (chaque seconde des milliers de cellules se détruisent pour faire place à des cellules qui se construisent), nous nous détruisons et construisons en permanence. L’autodestruction des cellules est indispensable au processus de naissance d’autres cellules.
Pour l’inconscient, nous sommes éternels. La réalité de la mort apparait face au corps d’un défunt dans l’aspect de la désintégration.
Selon Didier Dumas, « l’être humain construit les représentations de sa propre mort en enterrant ses proches. Dans notre société, la mort est tabou, au sens où elle est imparlable. On n’en parle pas plus à l’enfant qu’entre adultes. On oublie, du même coup, que ce qui est hors mots devient impensable, et cela fait qu’il est de plus en plus difficile de mourir ».
Les fantômes de l’Arbre
En refusant d’endosser le deuil et ses conséquences, on refuse d’introduire en soi la partie de soi-même déposée dans ce qui est perdu. On refuse ainsi de savoir le vrai sens de la perte, celui qui ferait qu’en le sachant on serait autre, différent de celui qui est mort. La question du deuil non fait se pose radicalement dans la pratique de l’approche transgénérationnelle. La personne confrontée à une situation de son présent à laquelle elle ne peut faire face, est très fréquemment sous l’emprise inconsciente d’un secret, d’un non-dit, ou de deuils non faits dans les générations précédentes. Ceux-ci continuent à peser de tout leur poids sur la descendance.
Ce que j’appelle deuil non fait se rapporte à des évènements traumatiques dont l’impact émotionnel a eu des conséquences plus ou moins désastreuses pour ceux qui les ont vécus ou en ont été témoins. Il peut s’agir tout autant de pertes de membres proches que de pertes de territoire, ou autres situations ayant fait effraction dans le psychisme et qui n’ont pu être élaborées.
La thérapeutique de l’arbre généalogique n’est pas accessible à tout un chacun et nombre de personnes sont réfractaires à remuer le passé familial. Pourtant, de nombreuses dépressions et symptômes dépressifs sont reliés aux deuils non faits. Par manque de conscience ou par refus d’admettre cette théorie, on cherche à se détourner des douleurs anciennes et bien vivantes en soi.
C’est le cas dans les relations fusionnelles avec les parents. Lorsque l’un d’eux décède, un grand vide se creuse pour le ou la survivante qui se vit comme morte avec ce parent, ou sur le point de partir le ou la rejoindre. Les relations continuant à fusionner dans la mort comme elles l’étaient dans la vie.
Voici quelques questions à se poser face à son arbre familial :
Quelles sont les morts qui ont eu le plus d’impact, d’influence dans la famille ?
Avez-vous assisté aux enterrements ?
Y a-t-il une sépulture pour x ? Savez-vous où il (elle) a été enterré(e) ? Avec qui ?
Qu’est-ce qu’on a perdu dans cette situation de perte ?
Comment célèbre-t-on les morts dans votre famille, rituels autour de la mort ?
Maureen BOIGEN @tous droits réservés
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